O. Longchamp: La politique financière fédérale (1945-1958)

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Titel
La politique financière fédérale (1945-1958).


Autor(en)
Longchamp, Olivier
Erschienen
Lausanne 2014: Editions Antipodes
Anzahl Seiten
887 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Antoine Chollet

La parution de la thèse d’Olivier Longchamp a toutes les qualités d’un événement éditorial. Consacrée à la politique financière de la Confédération dans l’après-guerre, elle vient combler une lacune historiographique sur une période tout à fait déterminante de l’histoire économique suisse, puisqu’elle correspond au rétablissement d’un ordre économique libéral après les années de guerre où la Suisse, comme le reste du continent, a vécu sous un régime d’économie de guerre directement contrôlé par le Conseil fédéral.

Ce qui singularise toutefois la Suisse par rapport à l’ensemble des pays du bloc occidental, c’est que ses autorités ne se rallient pas au compromis keynésien de l’après-guerre. Au contraire, l’État fédéral réduit significativement ses dépenses et sa quote-part fiscale par rapport aux années de guerre, si bien qu’Olivier Longchamp n’hésite pas à décrire la Suisse comme «une vestale du libéralisme» dans ces années où les autres pays connaissent un haut degré d’intervention dans leurs économies nationales, ainsi que de fortes augmentations des dépenses publiques, notamment dans le domaine alors naissant des assurances sociales. S’appuyant sur quelques travaux pionniers – ceux de Jakob Tanner, Bundeshaushalt, Währung und Kriegswirtschaft (Zurich: Limmat Verlag, 1986) et de Gaudenz Prader, 50 Jahre Stabilisierungspolitik (Zurich: Schulthess, 1981), ainsi que sur la thèse de Marcela Hohl consacrée au conseiller fédéral Max Weber –, Olivier Longchamp explique la rareté des études sur la politique financière en reprenant un argument de l’historien britannique Mark Mazower, selon lequel «l’histoire de l’impôt ne séduit pas grand monde» (p. 27).

Et pourtant, on aurait tort de se désintéresser des questions fiscales, car elles excèdent de beaucoup le seul financement de l’appareil d’État. Comme Longchamp le rappelle dans sa conclusion, «la fiscalité est aussi une façon d’imposer des normes, des pratiques, des coutumes, et en définitive de façonner un ordre social» (p. 836). C’est toute une politique économique et sociale qui est déterminée par les impôts, qu’il s’agisse de leurs niveaux ou des personnes qui les paient, sans même parler des politiques qu’ils permettent de mettre en place. Pour l’auteur, l’absence de tournant keynésien en Suisse s’explique d’une part par «la position particulière de la Suisse dans la division internationale du travail» (p. 43), et d’autre part par la force tout à fait exceptionnelle des partis de droite et des différents relais politiques du patronat en Suisse. Un autre élément important est «la capacité des salariés à lier leur sort à celui du système économique, si capable au fond de conserver le niveau de vie des Suisses au-dessus de celui des voisins européens» (p. 47), accréditant la thèse aujourd’hui courante dans les discours politiques du «miracle économique» helvétique. Ces hypothèses sont longuement et minutieusement vérifiées dans les chapitres successifs du livre, organisés en respectant pour l’essentiel un ordre chronologique, à l’exception du chapitre 2 qui offre un survol général de la période. Le parcours de plusieurs hauts fonctionnaires et dirigeants des organisations patronales occupe tout particulièrement l’auteur, qu’il s’agisse de Max Iklé, l’omniprésent directeur de l’Administration fédérale des finances de 1947 à 1956 avant qu’il ne soit nommé à la Direction générale de la BNS, d’Alfred Schaefer, président de la direction générale de l’UBS et l’un des membres clés de l’Association suisse des banquiers durant cette période, de Hans Sulzer, président du Vorort de 1935 à 1951 ou, finalement, de Heinrich Homberger, personnage central du Vorort de 1922 à sa retraite en 1964.

La politique financière fédérale, en plus de défendre une thèse au sens fort du terme, est également une mine de renseignements presque inépuisable qui sera utile pour tous les historiens travaillant sur la politique suisse durant cette période. Les nombreux graphiques qui appuient l’argument sont en outre complétés d’un ensemble de tableaux et de données disponibles sur le site internet de l’éditeur [www.antipodes.ch]. L’immense travail de dépouillement d’archive entrepris par Olivier Longchamp, combiné à une récolte très large de statistiques économiques et financières et à leur synthèse font de La politique financière fédérale une référence désormais incontournable pour tout historien désireux d’entreprendre une recherche sur l’histoire suisse de l’après-guerre, et pas uniquement dans le domaine de la fiscalité.

Zitierweise:
Antoine Chollet: Rezension zu: Olivier Longchamp, La politique financière fédérale (1945-1958), Lausanne: Antipodes, 2014. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 123, 2015, p. 280-281.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 123, 2015, p. 280-281.

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